Les chevaux ont accompagné nos soldats partout, ils ont été dans toutes nos victoires et dans tous les combats, ils ont appris à connaître la misère des chemins de Galicie et l'horreur des hivers russes, ils ont combattu avec les nôtres et ils n'ont pas moins souffert, peut-être même plus, que nos héros. Car les bêtes, silencieuses et à demi conscientes, ne ressentent pas la grandeur spirituelle qui transforme quelqu'un en héros dans la guerre, à travers une expérience parfois quasi religieuse ; elles ne savent pas que c'était pour une victoire que leurs nerfs se déchiraient, leurs muscles se tendaient, leurs veines éclataient, pour cette victoire qu'elles recevaient des coups de cravache et qu'elles étaient blessées, elles ne ressentaient pas le sens et le triomphe des choses, au sein de la plus effroyable douleur, elles ne ressentaient que la douleur.